Namazu – Kafka

coloc_cournon.jpg

Le groupe Kafka, valeur sûre de la scène auvergnate, s’était distingué il y a quelques années par une belle collaboration avec le FRAC Auvergne, en composant une musique sur le travail du plasticien Marc Bauer. Cette année, il met ses compositions instrumentales post-rock au service de sa propre création originale, inspirée par l’histoire tourmentée du Japon.

J’étais impatiente et curieuse de découvrir enfin ce spectacle, Namazu, dont j’avais suivi, de loin, la naissance et l’évolution au fil des mois. Un an et demi de recherches, de créations, de répétitions… pour enfin se produire devant le public de la Coloc’ de Cournon (un bien jolie salle toute neuve que je ne connaissais pas encore). Un peu d’appréhension, aussi. Car Namazu, c’est avant tout beaucoup, beaucoup d’ambition, tant sur le fond que sur la forme. Évoquer les drames qui ont frappé, frappent et frapperont le Japon, en combinant plusieurs formes d’expression artistiques… le pari était osé… et risqué.

Namazu, selon la légende japonaise, est un poisson-chat qui par ses mouvements brusques provoque les tremblements de terre qui frappent l’archipel de manière régulière. Si les catastrophes naturelles sont le point de départ de ce spectacle, c’est une réflexion beaucoup plus vaste sur le rapport de l’homme à la nature et son entêtement à la mettre en péril avec, notamment, l’énergie nucléaire. Hiroshima et Nagasaki, et plus récemment la centrale de Fukushima touchée par le séisme de 2011… l’histoire du Japon et du nucléaire est marquée au fer rouge par des drames d’une ampleur sans précédent (voir mon article sur ma visite du musée d’Hiroshima en 2009).

Pour illustrer ces drames, fruits empoisonnés de la nature ou de la folie des hommes, Kafka nous propose quatre tableaux différents. Dans un premier tableau, c’est David Myriam, un artiste de sand art, qui exécute en direct des tableaux de sable sous les yeux du public fasciné. En quelques gestes, c’est un poisson-chat, un village, une mer déchaînée qui prennent forme et accompagnent à la perfection les accords lancinants et déchirants de la musique de Kafka. Le deuxième tableau, hypnotique, accueille Eun Young Lee, qui exécute une danse butô effrayante, danse née des souffrances de l’après-guerre, pour exprimer ce qui ne pouvait s’exprimer par les arts traditionnels japonais. Le troisième tableau met en scène, dans une séquence vidéo en 3D, un ballet de poisson-chat et de grues en origami (créations originales de Tetsuya Gotani, de l’association Japon-Auvergne Nippon-Auvergne), devenues un symbole de paix suite à Hiroshima, qui accueille désormais des milliers de grues en papier chaque année, réalisées par les enfants japonais et même du monde entier (voir mon article). Enfin, le quatrième tableau nous ramène au sand art et à une note d’espoir.

Un spectacle d’une richesse exceptionnelle, avec des découvertes fascinantes comme le sand art ou la danse butô, une mise en scène efficace et sobre, une synchronisation des différents artistes qui force le respect, et une création musicale en harmonie totale avec son sujet et les différentes formes d’expression qui l’accompagnent. Voilà le résultat d’un an et demi de travail, une véritable réussite pour un projet collaboratif qui a su se montrer à la hauteur de ses ambitions, mais sans prétention, qui a su toucher le public par un message fort et un spectacle accessible, superbe et fascinant.

La prochaine représentation aura lieu à la Cour des Trois Coquins de Clermont-Ferrand le 24 mars. Je ne peux que vous conseiller de vous y rendre en courant.

En attendant, vous pouvez toujours regarder le teaser du spectacle, ainsi qu’une vidéo où vous verrez le Japon et un poisson-chat prendre naissance sous la main de David Myriam.

KAFKA « Namazu » teaser from KAFKA on Vimeo.

KAFKA « NAMAZU » desssin sur sable par David Myriam (travail en cours) from KAFKA on Vimeo.

1 Comments

T'as un truc à rajouter ?